Jazz In Lyon

Livre « 100 % : 100 disques en 100 mots » : A la recherche d’un itinéraire musical qui pourrait être le nôtre

Rassembler dans un unique ouvrage les émois musicaux éprouvés depuis l’adolescence, c’est à cet exercice que s’est plié Denis Desassis, auteur et critique musical. Total : une balade au coeur d’un demi-siècle de musiques, via 100 titres s’étalant de 1969 à 2019. Jazz mais aussi pop, classique, chanson française et plus.

Ça tient du récit, d’une remontée dans le temps, d’une mémoire intime retrouvée. Pas n’importe laquelle : celle des emballements musicaux, de ces petits riens découverts un jour, une nuit, souvent sous la forme d’un 45 tours ou d’un 33. En tout, c’est un chemin inédit que l’auteur nous invite à parcourir en sa compagnie dans ce « 100% : 100 disques en 100 mots ». Pas à pas, des premier émois jusqu’aux plus récents : un vrai jeu de piste, avec ses lois et ses contraintes. Un itinéraire d’un demi-siècle de découvertes et d’attachements à des disques que Denis Desassis, notamment chroniqueur de Citizen Jazz, juge « essentiels ». « C’est une relation particulière avec le temps », explique-t-il. Ca fait 50 ans que j’achète des disques, je dispose d’au moins 3 000 disques et j’ai eu envie de faire le point ». 

Qu’on ne se méprenne pas : « Il n’y a surtout pas que du jazz dans ce livre », précise-t-il d’entrée. Comme pour beaucoup d’autres, le jazz en effet est venu plus tard, s’imposant dans son itinéraire comme une suite logique et non exclusive.

Pour cet exercice, l’auteur s’est imposé de multiples contraintes, comme autant de poteaux bordant un slalom géant.

Parmi ses contraintes : ne citer qu’une seule fois un groupe ou un artiste, avoir le disque dans sa discothèque et l’avoir acheté (ou reçu),  et surtout, traiter les 100 disques en 100 mots chacun et pas un de plus (merci le compteur de Word). Ainsi se sont trouvés exclus de la sélection les disques qu’avait déjà acquis son grand frère, né en 1952, et qui trônaient déjà à la maison. 

LA Woman précède Sticky Fingers de quatre jours seulement

Le premier titre ? Les Bee Gees, « Odessa », sorti le 30 mars 1969. Le dernier ? « North Sea Radio Orchestra », sorti le 17 mai 2019. Soit, peu ou prou, une plongée dans un demi-siècle de la musique contemporaine d’une partie de l’hémisphère nord. Surtout, durant ces premières années où, semble-t-il, tout s’est joué, où tout s’est  révélé. Frappant de découvrir que LA Woman des Doors sort le 19 avril 1971 et que Sticky Fingers des Stones suit à quatre jours près, le 23 avril. Que Who’s Next sort le 14 août suivant et Imagine de Lennon le 9 septembre. Dans ces titres, que de références, de  symboles comme de signes annonciateurs de drames imminents.

Et là, surgit un autre intérêt du livre : celui de s’amuser à comparer et  confronter les choix de l’auteur avec les siens propres. Et donc, pour le lecteur, une invitation à refaire un voyage vécu par l’autre. Evidemment pas le même. Enrichissant quoi qu’il en soit.

Coltrane absent du livre mais omniprésent

En tout cas, c’est à un « vaste puzzle » musical qu’invite le chroniqueur, passant du rock au jazz, du classique à la chanson française : Brassens côtoie Led Zeppelin, Camille Pépin, Lou Reed, Robert Wyatt, Stevie Wonder. Bruno Tocanne, Neil Young, Bob Dylan….John Zorn. Au fil des formations et des artistes retenus, on devine que, même en s’imposant ces contraintes, la sélection a dû être rude ou déchirante. 

Mais ce qui pourrait surprendre et décevoir le lecteur se révèle au contraire une invitation à aller « voir » les raisons qui ont poussé Denis Desassis à retenir tel morceau, et surtout à aller l’écouter. Surtout pour des lecteurs plus jeunes qui découvriront peut-être Pierre Vassiliu, Joni Mitchell, Eric Frasiak, Bertrand Belin et beaucoup d’autres, pop, rock, classique, jazz, chanson française et ces créations qui s’extirpent malicieusement de l’étagère où on aimerait les coller. 

C’est l’un des paradoxes de l’ouvrage. Si Coltrane n’apparaît pas dans les 100, ce n’est surtout pas oubli ou indifférence : « dans les années 80, le rock m’intéressait moins, explique l’auteur, et c’est là, via des interviews, grâce à François-René Simon (1), que je découvre Coltrane, ce musicien qui, aujourd’hui encore, est toujours dans ma tête ». Et, à en parler, c’est bien la personnalité de Coltrane et sa dimension mystique qui continuent aujourd’hui de frapper le chroniqueur. 

100 disques, 100 chroniques, 100 mots…..bon, allez….110 

Mais retour au projet : pour le mener à bien, l’auteur s’est imposé une ultime contrainte que tous les gens de plume comprendront : « j’ai écris une fois par semaine durant 30 minutes l’ensemble de  ces 100 chroniques ». Histoire de réfléchir, d’aller à l’essentiel avec l’ambition de tout dire, paradoxe constant de l’écriture. 

Tout s’est terminé fin octobre 2021. Sauf qu’alors, Denis a rajouté dix noms ou formations : parmi eux, le suprême Lionel Martin, le fougueux Imperial Quartet et quelques autres. 

Le 100% était devenu 110%. Cette fois, Denis Desassis s’est arrêté là.

  1. François-René Simon, notamment chroniqueur chez Jazz-Magazine, auteur de John Coltrane (sorti en 1996).

2)  Pour commander le livre : Le livre est disponible uniquement en ligne. On peut le commander ici.

Par ailleurs, une playlist permet de découvrir un extrait de chacun des disques chroniqués dans le livre.

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