Jazz In Lyon

Le Brésil dans tous ses états à Jazz à Vienne !

Entre le monde iconoclaste d’Hermeto Pascoal, l’univers tendre et éclairé de Gilberto Gil et la bouillonnante et jeune violoncelliste et chanteuse Dom La Nena, le public viennois a pu,dimanche 8 juillet, découvrir une palette très large et contrastée de la créativité auriverde.

A l’annonce de la programmation de la nuit du Brésil à Jazz à Vienne, j’étais partagé entre le plaisir de retrouver deux immenses artistes comme Gilberto Gil et Hermeto Pascoal et de découvrir une nouvelle tête Dom La Nena pleine de talent selon les critiques et la crainte de ne pas être surpris par ce qui m’attendait, sachant que je les avait déjà entendu à plusieurs reprises. Bien mal m’en a pris de douter de l’immense pouvoir de créativité et de renouvellement de ces géants de la musique brésilienne.

A commencer par l’imprévisible et iconoclaste Hermeto Pascoal. Du haut de ses 82 bougies, il reste un compositeur et un interprète prolifique qui transcende toutes les tentatives de catégorisation.

Fidèle à sa réputation d’artiste inclassable, le public a été conquis par cet artiste aux cheveux longs et à la barbe blanche vêtu d’habits de couleurs dont une chemise rouge braise avec des calligraphies chinoises comme motifs. Force est de constater que l’on est d’emblée touché par le personnage, un tantinet loufoque et excentrique avec un goût prononcé pour l’esprit de provocation.

Ainsi, il but à la santé du public en tendant son ballon de rouge comme pour dire qu’il continue à jouir pleinement de la vie ! J’ose espérer que c’était un cru local Monsieur Pascoal…le concert s’engage par une parade aux rythmes brésiliens puis s’enchainent les morceaux menés d’une main de maitre par celui que l’on surnomme « le magicien » et « le sorcier ». Derrière son clavier, accompagné par les brillants Jota P au saxophone, inspiré et au jeu puissant, André Marques au piano au toucher tonique et envoûtant et le bouillonnant batteur Ajurina Swarg.

Un voyage musical entre free jazz, Franck Zappa, batucada et jazz. Le clou du concert fut, sans aucun doute, la version inédite de Round Midnight à la théière rempli d’eau comme un noyé chantant pour ses dernières minutes la célébrissime composition de Thélonious Monk. A mourir de rire ! d’ailleurs, le public a été sensible à son humour. Et puis le concert s’est achevé comme il avait commencé, en parade et sous les ovations de l’assemblée viennoise. Bravo l’artiste !

L’autre surprise…

L’autre surprise de la soirée du théâtre antique vint de Gilberto Gil, venu accompagné pour l’événement de deux chanteuses au talent infini et au charme ravageur Mayra Andrade et Chiara Civello et d’un trio familial de choriste, sa fille ainée, sa petite fille et sa belle-fille. Sans oublier bien entendu son fils, Bem Gil, guitariste présent pour faire la fête hier soir. Un concert où toute l’étendue de la musique brésilienne a été traversée : ballade sensuelle et folk, morceaux endiablé et rythmique, duo sensible avec sa fille, une reprise détonnante d’un morceau traditionnel Capverdien par Mayra Andrade et par-dessus tout le sourire en permanence sur le visage de tous les musiciens ! à l’exception peut-être de sa petite fille de 10 ans, probablement impressionnée par l’événement et la présence de près de 6 000 spectateurs hier soir.

Une bonne dose de joie, d’amour et de bonne humeur.

Maître Gilberto Gil a répondu présent et a régalé le public en ponctuant la soirée par son tube interplanétaire, Toda menina baiana. Chanté par des milliers de personnes, ça en jette !

Je sors donc du théâtre antique, empli de chaleur et de bonne humeur, pour me rendre au club de minuit pour un changement de décor mais aussi d’ambiance avec Dom La Nena, de son vrai nom Dominique Pinto.

A tout juste 29 ans, Seule sur scène avec sa voix, son violoncelle et ses pédales électroniques, elle nous embarque automatiquement dans son univers teinté de ballade et/ou comptine folklorique brésilienne mais aussi argentine et plus largement que l’on peut étendre à toute l’Amérique Latine.

Multi-orchestre à elle tout seule, elle s’appuie sur des boucles électroniques qu’elle réalise avec ses pédales, tout en chantant avec force et intensité de sa voix chaude et profondément touchante. En l’écoutant, j’ai ressenti le même plaisir que celui que j’avais en écoutant la regrettée Lhasa.

Musicalement, elle navigue à la frontière de plusieurs genres qu’elle entremêle avec habileté ; classique, jazz et chant traditionnel se côtoie avec beaucoup de douceur et de justesse.

Le secret de ces chansons légères et incarnée est celui du folk au sens large : une musique de vraies gens, un carnet intime qu’elle partage voire qu’elle susurre à son public. Un vrai moment de bonheur que j’aurais sans mieux apprécié isolé de tout autre son et à une heure plus tôt dans la soirée.

Une artiste à suivre indubitablement !

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