Jazz In Lyon

La Revue De Disques – juin 2023

TANIA GIANNOULI. Solo

Rattle Records

Tania Giannouli : piano

  • La pianiste grecque porte en elle ce qui fait sa musique, c’est du moins l’impression que cela donne à l’écoute de ce disque en solo fait d’un lyrisme solaire, enivré de méditerranée, qui doit puiser dans la profondeur la fraîcheur qui l’habite comme l’originalité de son propos. Capiteux dans son expression, il est également moderne dans son approche ; la pianiste explore son instrument autant que sa musique et s’efforce de contourner le cours du temps par une forme de continuum mélodique aussi organique qu’obsédant. A l’écoute, l’auditeur est pris dans les mailles d’un vaste chant grisant qui enchaîne les climats et les atmosphères avec une formidable limpidité. Et Tania Giannouli se ne souciant pas des frontières et des genres, elle offre à l’auditeur un moment d’intemporalité musicale comme on en entend assez rarement. Organique et sensuel, nourri d’un expressionisme introspectif éclatant, il est tour à tour optimiste et inquiétant, filmique de par l’exposition de ses paysages multiples et complémentaires. Nous avons eu l’impression d’accéder à une version musicale d’un standard littéraire grecque incontournable : L’Iliade et l’odyssée. Étonnant, non ?

https://www.taniagiannouli.eu/


 ELEONORA STRINO . I got Strings

CamJazz

Eleonora Strino : guitare
Greg Cohen : contrebasse
Joey Baron : batterie

Encore une artiste que nous découvrons avec ce disque publié chez CamJazz, Eleonora Stino, qui comme son l’indique est italienne. Accompagnée par Greg Cohen (bassiste de Tom Waits entre autre) et Joey Baron (qu’on ne présente plus), elle propose un Cd bien jazz de chez jazz, tour à tour alerte et calme, pour le moins séduisant. Faussement classique dans la forme, le jeu de la guitariste est aussi créatif que sensible. En toute occasion, elle fait preuve d’une fluidité notable. La playlist, si elle est d’un classicisme absolu (il y a bien lpongtemps que l’on n’avait plus écouté I let a song go out of my heart), est jouée de telle sorte que se laisse prendre sans effort par sa musicalité première et le traitement que le trio lui applique. Greg Cohen et Joey Baron font pour leur part tout ce qu’il faut pour conforter dans sa quête le jeu d’Eleonora Strino et l’ensemble est parfaitement équilibré. C’est un disque de standards qui pourrait selon nous devenir un standard du trio guitare/contrebasse/batterie. A découvrir séance tenante.

https://www.eleonorastrino.com/


  ELINA DUNI . A time to remember

Ecm

Elina Duni : voix
Rob Luft : guitare
Matthieu Michel : bugle
Fred Thomas : piano, percussions

Nous avions aimé (comme beaucoup) Lost Ships (2020) et nous ne serons pas seuls à aimer ce nouveau disque d’Elina Duni. Accompagnée par les mêmes musiciens, elle déploie une large géographie musicale allant du traditionnel aux standards de Broadway, sans omettre de glisser quelques compositions personnelles coécrites avec le guitariste. L’alchimie du quartet est toujours présente et l’on se plaît à écouter les nappes mélodiques qu’il tisse autour de la chanteuse. Elle, toute de maîtrise et de sensibilité, évite la vaine virtuosité au profit d’une veine, douce et intuitive, ancrée dans l’humanité du chant, dans une élégante profondeur qui échappe à la temporalité. Les musiciens, entre eux et avec elle, font montre d’une sorte de capillarité qui les unit dans un flux constant conférant aux mélopées une douceur aérienne qui n’est jamais creuse (First song) est presque Bakerienne…). Le quartet, Elina Duni en tête, nous offre un disque réconfortant, habité par des couleurs aux irisations perlées d’une belle délicatesse.

https://elinaduni.com/


 JODY STERNBERG & ALAIN JEAN-MARIE . Castles in the sand

Bonsaï music

Jody Sternberg : voix
Alain Jean-Marie : piano

Nous ne connaissions pas Jody Sternberg jusqu’alors. Le fait qu’elle soit sur ce disque accompagnée par Alain Jean-Marie nous a mis la puce à l’oreille. Australienne passée par la Berklee (elle était alors saxophoniste), elle a par le passé collaboré avec Arthur H, Morcheeba et d’autres, ce que l’on appelle un parcours riche et varié. Avec un grain particulier dans le timbre de voix, une palette de nuances du plus bel effet, notamment dans les graves), elle donne l’impression de se confier sans filtre à l’auditeur. Et quitte à parler de nuance, le pianiste ne se prive pas de l’accompagner sur ce chemin et les deux ensemble constitue un jalon de plus dans ce que l’on nomme l’art du duo organique. Le disque s’achève sur un As time goes by chanté en français épatant et le suicide is painless, theme from M.A.S.H de Bill Evans en tout point remarquable. A découvrir.

https://jodysternberg.com/


DOROTHY ASHBY . with strings attached, 1957-1965

New Land

Ne soyons pas menteurs, nous n’avions jamais entendu parler de la harpiste Dorothy Ashby (1932-1986). Avec cette réédition en coffret de six disques, c’est donc l’occasion de se familiariser avec son travail. Femme noire et harpiste, au milieu du XXème siècle et qui plus est aux États-Unis, dans le monde du jazz, c’était assurément plus qu’un défi. Elle le releva et s’installa dans le paysage du jazz avec autorité, fréquentant Armstrong, Ed Thigpen, Woody Herman, Frank Wess, Alice Coltrane, et on en passe. Ajoutez à cela que dans les années 70 elle fraya avec Diana Ross, Dionne Warwick, Stanley Turrentine, Freddie Hubbard, Billy Preston, Bobby Womack ou Earth, Wind and Fire et vous une vue quasi complète de son activité musicale au cours d’une vie abrégée par un cancer. Dans ce coffret, c’est de jazz classique qu’il s’agit et c’est tout sauf inintéressant, notamment dans les trois premiers Cds où elle partage les soli avec le flûtiste Frank Wess. La mise en place est toujours impeccable, tout comme le swing. C’est du beau boulot, comme on dit, avec en sus ce je ne sais quoi apporté par la harpe. A écouter. Et si vous voulez l’acheter, sachez que l’édition est limitée à 1000 exemplaires.

https://en.wikipedia.org/wiki/Dorot…


 DOMINIC MILLER . Vagabond

Ecm

Dominic Miller : guitare
Jacob Karlzon : piano, claviers
Nicolas Fizman : basse
Ziv Ravitz : batterie

Bien connu comme guitariste de Sting, Dominic Miller n’en demeure pas moins un musicien qui aime le jazz. Dans ce disque tout à fait apaisé, il joue une musique vagabonde, à l’image de titre donné à l’album. Très léger dans la forme, l’art consommé de la nuance le démontre sur chaque titre, le guitariste bénéficie en outre d’excellents accompagnateurs qui lui permettent de se balader en douceur, de ballade en ballade. La sonorité globale est richement ouvragée, l’interaction discrète et efficace, et les histoires que le leader raconte sans parole s’en trouvent rehaussées. Dominic Miller fait là dans l’aquarelle mélodique avec des lignes tendres et mélancoliques qui ne soulignent que ce qui est nécessaire à la compréhension du thème. C’est fort bien fait mais cela nous a pourtant laissé un goût (très léger) d’incomplétude.

https://dominicmiller.com/


 NOBI . FANNY MENEGOZ . Vertes brumes

Onze heures onze

Fanny Ménégoz : flûtes, compositions
Gaspard josé : vibraphone et percusssions
Alexandre Perrot : contrebasse
Ianik Tallet : batterie

A cheval entre le conceptuel et l’ethnique, le formel et une bonne dose d’improvisation (d’obédience américaine, façon grands anciens) Fanny Ménégoz et ses acolytes offrent à écouter une musique aussi traversière que les flûtes de la musicienne. On les sent en recherche au bon sens de la formule ; Ils ne tâtonnent pas, ils explorent. Ce pourrait être abscons et cela ne l’est pas. Les mélodies qui initient les belles échappées libres sont très claires et porteuses d’une poésie paysagère au sein de laquelle le tellurique le dispute au diaphane. D’atmosphère en atmosphère, le quartet impose avec vigueur et finesse son univers et l’on s’y laisse prendre car rien ne semble jamais acquis dans ce cadre structuré, à la musicalité étendue, qui fait de la remise en question une sorte de mantra. Il faut donc écouter Nobi avec attention, histoire de ne pas passer à côté de son esthétique léchée et bigrement intelligente, ou pire, à travers.

https://fannymenegoz.com/


 RAY BLUE . #people

Jazzheads

Ray Blue : saxophone ténor
Essiet Okon Essiet : contrebasse
Sharp Radway, Kenny Barron : piano
Jeff Barone : guitare
Alvester Garnett, Steve Johns : batterie

Invités :

Eddie Allen : trompette
Bobby Sanabria : percussions

Avec cet album du saxophoniste ténor Ray Blue, un gros son velouté comme on n’en fait peu, c’est un retour aux fondamentaux du jazz et des musiques cousines que l’auditeur fera. Pas de révolution à attendre de ce côté ci du jazz mais une musique plutôt festive, ensoleillée par les caraïbes ici et là ( à la Sonny R.), jazzy en toute occasion et évidemment nourrie de swing. Essiet Essiet tient la contrebasse, une référence n’est-ce pas, et Kenny Barron est là pour quatre morceaux dont un en duo avec Ray Blue. Eddie Allen s’invite et cela ne nuit pas. Naturellement, c’est carré de chez carré et musical à souhait. Et nous le disions plus haut, c’est joyeux et sensible Ray Blue lui-même le dit : « c’est consacré à l’amour de la vie, l’amour des gens, l’amour de l’humanité. Chaque chanson a été choisie parce qu’elle touche à l’un de ces sentiments universels. » Vous ne pourrez pas dire que vous n’étiez pas prévenus. Peace and love.

www.rayblue.com

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