Jazz In Lyon

La Revue De Disques – juillet 2023

PHIL HAYNES – CODA(s) . No fast food III

Corner Store

Dave Liebman : saxophone, flûte, cloches
Drew Gress : contrebasse
Phil Haynes : batterie, gong, etc

Amis de la poésie, il serait dommage que vous passiez à côté de ce très (très) beau disque. Phil Haynes, accompagné de deux légendes, Dave Liebman et Drew Gress, va vous embarquer dans un univers, le sien, ou le tangible et le divinatoire se caresse le poil et accouche d’une musique intrinsèquement belle et évocatrice. Pas une note à jeter, de l’espace et des résonances, du silence entre les sonorités, de la densité et une myriade d’idées, une once d’humour, de quoi émouvoir les carapaces auditives les plus résistantes, croyez-nous. Ajoutez à cela un art de la sortie de route (des décennies de travail) et une musicalité rare, des personnalités fortes, et vous obtenez ce trio de maîtres improvisateurs ès jazz. Comme c’est écrit dans le titre, ce n’est pas du prêt à consommer malaxé à la chaîne. C’est de la cuisine maison, savoureuse et hautement indispensable, faite avec amour par des musiciens essentiels. On se demande pourquoi vous ne l’avez pas encore acheter.

https://www.philhaynes.com/


PAT METHENY . Dreambox

Modern Recording – BMG

Pat Metheny : guitares

Encore un Pat Metheny. Est-ce bien raisonnable ? On doit flirter avec la cinquantaine de disques maintenant. Et vous savez quoi ? Il a eu bien raison d’aller fouiller dans ses dossiers, le gars. Ces neuf pépites minimalistes sont d’une douceur propice à la rêverie. Bien évidemment, elles lui appartiennent jusque dans la moindre résonance (la patte du Pat est inimitable) et l’on est fort agréablement surpris de laisser avoir comme ça, une fois de plus. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il a encore de la ressource. Un toucher de velours qui évoque une musicalité quasi acoustique, des mélodies grandes ouvertes sur les paysages typiques de son univers, c’est la recette infaillible de cet album à part dans la discographie pléthorique du guitariste. Deux pistes, une pour les harmonies et une autre pour la mélodie et l’improvisation, constituent un ensemble cohérent d’une grande douceur. Pas une note de trop, juste de la musique. Si la box en jargon jazz est une guitare a corps creux, Dreambox, le titre de l’album est bien selon nous une boîte à rêves.

https://www.patmetheny.com/


MARK LOTZ TRIO . Turn on, Tune in, Drop out !

Zennes Records

Mark Lotz : flûtes & bansouri
Zack Lober : contrebasse
Jamie Peet : batterie

Ce disque est placé sous les auspices de Timothy Leary, gourou du LSD, et notamment sur les huit circuits de conscience qu’il a théorisé. Le titre de l’album est d’ailleurs sa célèbre devise. Il est donc probable que si Mark Alban Lotz avait eu vingt ans dans les années soixante dix, il aurait certainement joué avec Sweet Smoke, une bande de rois du pétard et autres substances qui font rire et sourire à le recherche d’un monde meilleur, de la connaissance de soi et tout et tout, et quelques autres du même acabit. Ceci dit, on est là face à un musicien qui ne fait aucun compromis, ce qui lui assure malgré lui une certaine confidentialité. Accompagné par un canadien basé à New York et un hollandais, il donne à écouter une de ces musiques propices à la divagation, avec une rythmique ayant une tendance marquée pour l’obsessionnel, des points d’acmé percutants et des zones d’apaisement du plus bel effet. C’est assez lyrique dans l’ensemble et l’interplay est d’une constance et d’une richesse implacables. Ces trois-là sont de redoutables musiciens et leur enregistrement et un régal pour l’auditeur. Faites-vous donc plaisir ! Ils le méritent.

https://www.lotzofmusic.com/


RUSS LOSSING . Alternate side parking music

Aqua Piazza Records

Russ Lossing : piano, Fender Rhodes, Wurlitzer
Adam Kolker : saxophones ténor & soprano
Matt Pavolka : contrebasse
Dayeon Seok : batterie

A New-York, vous stationnez votre automobile d’un côté de la rue ou de l’autre en fonction du jour. Cela implique de la changer de place et cela crée des perturbations qui obligent le conducteur à attendre qu’une place se libère. Russ Lossing (très estimé outre Atlantique et méconnu chez nous) à mis à profit ce temps perdu pour composer ce disque. Cela donne un disque très anguleux qui par moment irrite comme on peu l’être pris dans un bouchon. Heureusement, les musiciens de ce quartet sont des furieux qui prennent à bras le corps ce jazz contemporain de très haut vol. C’est une musique traduisant parfaitement le ressenti du compositeur et elle suscite chez l’auditeur les images adéquates. Russ Lossing varie les claviers, ce qui influe sur les ambiances de la plus juste des manières qui soit. La rythmique omniprésente ajoute une touche obsessive qui sied remarquablement à l’univers décrit. De son côté, le saxophoniste entretien un dialogue fructueux avec le leader et l’ensemble est un régal pour nos ouïes car les quatre membres du quartet savent s’écouter. C’est original et c’est donc une raison suffisante pour les écouter.

https://www.russlossing.com/


 GABRIELA MARTINA . Hommage to Grämlis

GM Music

Gabriela Martina : chant
Kyle miles : basse
Maxim Lubarsky : piano
Jussi Reijonen : guitare
Ben Rosenblum : accordéon
Gus Sebring : cor des alpes (11)

Gabriela Martina a été élevée dans une ferme au cœur des montagnes suisses et, dans ce disque, c’est à cet héritage qu’elle rend hommage. Formée de manière précoce au Yodel et dotée d’une voix exceptionnelle, cette chanteuse installée au États-Unis ne se réfère à aucun genre pour créer sa musique. Hybrides par nature, entre ruralité traditionnelle, jazz urbain et influences mêlées, les compositions de la vocaliste sont habitées par une belle âme. Les musiciens qui l’accompagnent sont à la hauteur de l’enjeu et cela donne un disque plutôt inclassable, mais tout de même plus proche d’une pop folk raffinée, façon Joni Mitchell, que jazz à proprement parler. Ce n’est pas grave en soi car l’ensemble est interprété avec une précision horlogère très inspirée. Et nous le répétons, Gabriela Martina possède une voix originale, dont elle fait ce qu’elle veut, et une technique parfaitement assimilée lui permettant de se focaliser sur sa sensibilité artistique. Cela donne un surprenant album qui mérite plus qu’un détour.

https://www.gabrielamartina.com


 BEN MILLER TRIO . Feathers of Ma’Ath

Truth Revolution Records

Ben Miller : piano, Fender Rhodes
Taru Alexander : contrebasse
Joseph Lepore : batterie

Encore un trio d’inconnus de nos oreilles made in USA. On se demande quelquefois combien de millions de jazzmen il y a sur terre ! Si on leur faisait la place qu’ils méritent, la face du monde n’en serait pas changée pour autant, mais celle de nos radio à coup sûr ! Et cela nous ferait le plus grand bien. Il faut donc écouter ce trio vitaminé, plein d’un entrain quasi juvénile qui déroule un jazz d’aujourd’hui bien ancré dans les racines du genre. La musique jouée dans cet enregistrement, des compositions originales qui pourraient passer pour des standards du hard bop, est riche de détails qui participent grandement à sa musicalité. Nous ne savons pas qui était Maât, déesse égyptienne aux ailes d’aigle, et quelques autres figures mythologiques auxquelles se réfèrent la musique du trio mais une chose est certaine : si elles étaient à l’image de ces mélodies menées tambour battant avec une belle subtilité, elles ne devaient pas être ennuyeuses. Une belle découverte à faire pour celles et ceux qui se donneront la peine d’écouter ce trio.

https://benjaminmillermusic.com/

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