Jazz In Lyon

Jazz à Vienne, All Night : éclectisme et métissage pour la « der » de Jazz à Vienne

Entre l’univers tendre et onirique du duo Obradovic-Tixier et la fureur rythmique de Papatef au petit matin, les univers swing manouche de Thomas Dutronc, la soul douce de Neneh Cherry, la virevoltante musique de Bonga et l’electro-funk d’Anomalie live ont occupé le devant de la scène.

Par tradition depuis déjà plus d’une décennie, la nuit du jazz ouvre les festivités avec le lauréat RéZZo FOCAL jazz à vienne de l’année précédente. Cette année, ému de se retrouver sur cette scène qui a vu défiler nombres de leur mentor, le tendre duo Obradovic-Tixier ou la collaboration entre la batteuse croate et le pianiste français.

C’est avec beaucoup de délicatesse et quelques notes cristallines aux cymbales qu’ils se sont installés sur scène pour distiller le produit de leur rencontre, une musique délicate, contemporaine où se mêle des éléments acoustiques et électroniques et divers objets sonores inventés ou venus d’ailleurs comme le Kalimba ou glockenspiel. Une complicité s’installe entre les harmonies sophistiquées du pianiste et les polyrythmies de la batteuse. Un univers onirique, intrigant fait de petites touches impressionnistes par 2 artistes touchants par leur humanité et leur philanthropie affichée.

Ainsi, à l’initiative de la batteuse, des chaussures étaient vendus avec leurs disques à l’intention d’une association pour personnes handicapés de Colmar pour moitié et pour l’autre à la réfection d’un club de jazz à Manille. Une belle introduction à l’ouverture sur le monde pour cette All Night Jazz cru 2019 !

Première tête d’affiche, Thomas Dutronc et les esprits manouches avec pour guest star la saxophoniste Sophie Alour, le trompettiste Malo Mazurié et Pierre Baldy-Moulinier au trombone. Une belle entrée en matière pour se mettre en jambe au rythme du swing manouche.

Il a su mettre le feu au théâtre antique en invitant le public à danser sur scène et ailleurs, à chanter, taper des mains et hurler s’il le faut. Heureux d’être là avec la banane en permanence et pour servir son énergie, les solos explosifs et incarnés de ses acolytes Pierre Blanchard au violon et Rocky Gresset à la guitare.

Des textes drôles et tendre avec  je me fous de tout  et profond avec  Aragon , il a su proposer une palette d’émotion dans la joie d’une ambiance manouche. Une bonne dose de bonne humeur pour commencer la soirée.

Avec le hip hop funk/soul de Neneh Cherry, on rentre dans un autre univers ! La chanteuse star de 7 seconds en duo avec Youssou N’Dour et Woman ou Manchild nous a offert un spectacle à l’image de ce qu’elle dégage sur scène, serein, subtile, imprégné de rêverie pour servir un propos humaniste et militant. Avec sa voix au timbre si singulier, granuleux et tendre, jamais elle ne crie ni ne hausse la voix.

Elle semble avoir le silence comme mode d’expression pour faire passer son message de paix et de tolérance. La finesse des sons, plus jazz, et l’élégance des ritournelles ajoutent à l’esthétique de ses textes. Sur scène, elle propose l’apaisement en reprenant ses anciens tubes avec douceur et profondeur.

Une tendresse convaincante mieux que des idées ou des sentiments. Ni trop penser, ni trop ressentir, elle impose son émotion avec clarté et recul. Un moment soyeux mais il va falloir plus pour tenir la nuit et Bonga devrait rehausser le niveau d’intensité.

Sans surprise et d’un pas nonchalant, Bonga se présente avec sa bonne humeur vers les 2 heures du matin. Excellent remède pour se maintenir en éveil !! L’artiste angolais, du haut de ses 75 ans, avec sa voix rauque et sensuelle a su conquérir l’auditoire en l’invitant à danser follement au rythme de sa musique roots et chaleureuse comme le carnaval à Luanda. Entre samba et blues luso-africain, sa musique touche les cœurs et les corps.

Sa personnalité aussi, paternaliste avec un brin de cynisme et de tendresse, est marquante sans oublier les anecdotes sur le quartier latin à Paris qu’il a adoré et où il a découvert, grâce au musette, qu’il n’y avait pas qu’en Afrique qu’on aimait danser et qu’on avait le rythme. Un personnage haut en couleur et en générosité, me voilà requinqué pour tenir jusqu’au bout de la nuit !

C’est l’heure où le théâtre antique se vide au tiers de son public. Certains, enthousiasmés tout comme moi par Bonga, puisent dans leur réserve en espérant que le groupe suivant Anomalie Live les transportera émotionnellement et corporellement.

Et là, coup de massue ! Nicolas Dupuis, le claviériste de Montréal nous présente son projet live Anomalie. Une musique entre funk, Nu soul et électro jazz avec, certes d’excellents musiciens, mais assommante avec l’impossibilité de pouvoir danser ni pouvoir se mettre dans un tempo entrainant. Une erreur de casting selon moi à ce moment de la nuit et le public a déserté en nombre dès lors le théâtre antique ! Dommage car ce qui allait venir était explosif ! Maitre Cyril Atef alias Papatef allait mettre le feu aux derniers survivants de la All Night Jazz.

Papatef, le projet de Cyril Atef, percussionniste et batteur, ancien membre de Bumcello, est un solo human machine show détonnant mélangeant batterie, sampling, DJ et chant. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ça déménage !! Avec humour, il annonce la couleur aux derniers irréductibles, «  on va danser jusqu’à 10h du matin, croyez-moi ! je vais vous achever ! ». Rythme de samba, de Haïti, du Cap Vert, de la techno et j’en passe, rien que des musiques de transe qu’il renforce par son énergie débordante à la batterie et par ses impulsions verbales.

Si un des responsables du festival ne lui avait pas demandé de s’arrêter, il était bien parti pour nous achever. Un final surdynamité et dansant, fascinant ! En tenue de gourou, et dans un tempo ultra rapide et répétitif tout le public a succombé à son emprise. Papatef, c’est de la bombe !

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