Jazz In Lyon

Il s’est déroulé du 22 au 28 octobre : le Festival de jazz de Belgrade a soufflé ses 35 bougies

Pic Tim Dickeson 22-10-2019 Henri Texier (Bass) Sébastian Trexier (Sax, Clarinet, BAss Clarinet) Vincent Lê Quang (Tenor Sax) Manu Codja (Guitar) Gautier Garrigue (Drums)

Les anniversaires de festivals permettent de mettre en lumière leur histoire. Une exposition de photographies, installée dans le lieu central du festival, Dom Omladine, a ainsi témoigné des soirées historiques que le festival a présenté depuis 1971, l’année de sa création. La programmation 2019, celle des 35 ans, a été un feu d’artifice de musiques d’horizons variés. Qui plus est, Lyon et Belgrade sont de plus en plus proches…

La célébration a débuté le 22 octobre avec un immense artiste français, Henri Texier, fidèle du festival déjà 5 fois programmé à Belgrade, notamment avec Phil Woods. Ce pilier du jazz européen présentait son projet Sand Woman, entouré de son fils Sébastien (sax alto, clarinette), de Manu Codja (guitare), de Vincent Lê Quang (sax ténor et soprano) et de Gautier Garrigue (batterie).

Pic Tim Dickeson 22-10-2019 Magic Malik (Flute)

Un concert construit sur de riches dialogues entre les musiciens et sur des compositions qui évoquent la plénitude de paysages bretons, dans les gènes du contrebassiste. Ce concert était précédé d’une performance du français Magic Malik, invité exceptionnel du collectif Undectet, réunissant neuf musiciens de différentes nationalités – serbe, hollandais, bulgare, français – autour de Vladimir Nikolov (claviers, guitare, arrangement) et Serdjan Ivanovic, batteur talentueux installé depuis 5 ans à Paris. Un projet musical qui nous a fait voyager de New-York aux Balkans en traversant d’autres continents. Nikolov-Ivanovic Undectet a interprété quelques compositions de leur 2e album, Frame and Curiosity, réalisé pendant été. Le festival s’achèvera six jours plus tard, avec un concert du pianiste norvégien Ketil Bjornstad. Mais le bouquet final s’est déroulé le 27 octobre, dans le cadre de la salle de concert Kombank Dvorana. Une soirée qui a réuni le même soir le Mingus Big Band et Charles Lloyd Kindred Spirits. Malheureusement absent, je ne peux que vous donner des échos de l’un de mes confères, le journaliste et photographe anglais John Watson : une soirée grandiose, avec le répertoire traditionnel de Mingus, tels que Goodbye Pork Pie Hat et Gunslinging Bird, et des solos remarquables des saxophonistes Wayne Escoffery, Alex Terrier et Steve Slagle, des trombonistes Earl McIntyre, Conrad Herwig et Robin Eubanks, des trompettistes Alex Sipiagin et Walter White, du pianiste David Kikoski et du directeur musical du groupe, le bassiste russe Boris Kozlov.

Je vous invite à lire son reportage complet sur le site https://londonjazznews.com/2019/10/28/belgrade-jazz-festival/?fbclid=IwAR25KuZdtI-PMjiSyNb-OyyiMTz28qoTiklwhcZnfKeuc3pKbtsiuZNX0J0

Belgrade a une affection particulière pour Charles Mingus et le Big Band qui perpétue sa musique Ce concert a fait le lien avec les débuts du festival, qui l’avait accueilli à trois reprises, entre 1970 et 1975.

Pic Tim Dickeson 23-10-2019 Stanley Clarke (Bass) Beka Gochiashvili (Piano) Cameron Graves (Keyboards) Jeremiah Collier (Drums) Saler Nader (Tabla) Evan Garr (Violin)

Fort heureusement, j’étais aux premières loges pour les premières soirées de cette édition. Et je n’aurais manqué pour rien au monde le concert de Stanley Clarke, le légendaire bassiste., aussi à l’aise à la basse électrique qu’à la contrebasse, qui a gratifié le public d’un concert magistral avec un Band composé de deux claviéristes, le prodigieux géorgien Beka Gochiashvilli, Cameron Graves, un batteur, Jeremiah Collier, un Maître du tabla, Sala Nader, et le talentueux Evan Garr au violon. Le sens mélodique de Stanley Clarke, notamment dans son interprétation de Goodbye Pork Pie Hat (composé par Mingus en hommage à Lester Young), m’a évoqué le souvenir d’un autre bassiste, Jaco Pastorius, trop tôt disparu.

Le groupe Flat Earth Society a partagé la scène du Kombank Dvorana ce même soir. Ce collectif belge de 15 musiciens joue des compositions de styles d’horizons très larges. Leur musique est avant-gardiste, l’écriture savante, et les inspirations multiples, de Stravinsky à Zappa, en passant par Armstrong, Joplin, Morricone, The Residents ou les fanfares traditionnelles des pays de l’Est. Une énergie très jubilatoire se dégage de cet ensemble qui fête actuellement ses 20 ans.

Pic Tim Dickeson 24-10-2019 Dianne Reeves (Vocals) Romero Lubambo (Guitar) Peter Martin (Piano) Reggie Veal (Bass) Terreon Gully (Drums)

Autre temps fort des concerts programmés à Kombank Dvorana, celui de Dianne Reeves et son quartet qui partageait une soirée vocale avec Tanya Balakirskaya, jeune chanteuse ukrainienne établie en Russie, gracieuse, et dont la voix d’une rare pureté exprime une expression très minimaliste, empreinte de poésie et de profondeur. Elle était invitée sur quelques titres par le trio acoustique Llugadin (piano, contrebasse, batterie) qui a joué un répertoire tout en finesse.

Depuis ses débuts dans les années 70, Dianne Reeves, artiste émérite du label Blue Note, cousine de Georges Duke et filleule de Clark Terry, est l’héritière des plus grandes vocalistes, dans la lignée des Bessie Smith, Ella Fitzgerald ou Sarah Vaughan à laquelle elle est souvent comparée pour sa tessiture exceptionnelle et la maîtrise du scat. Son répertoire oscille entre standards et musique brésilienne. Accompagné par Romero Lubambo, l’un des meilleurs guitaristes de la scène brésilienne, elle a offert une performance éblouissante qui a littéralement subjugué le public.

On retrouvera le lendemain, dans la salle Velika, une autre vocaliste très talentueuse, Jazzmeia Horn, lauréate de prix prestigieux dont celui de meilleur talent vocal de l’année, décerné en 2018 par les critiques du magazine Downbeat, et adoubée par Jon Hendricks qui a déclaré qu’elle est l’une des plus belles voix qu’il ait jamais entendue depuis 40 ans. D’une beauté rare et d’une tessiture hors du commun, cette jeune américaine est souvent comparée aux divas qui l’ont précédé, telles que Betty Carter, Sarah Vaughan ou Nancy Wilson. Son répertoire s’inscrit dans la lignée d’Erikah Badu et de Rachelle Ferrell qu’elle interprète dans l’album Love and Libération réalisé chez Concord Jazz. D’autres grands artistes se sont succédé sur les scènes du festival, dont Steve Coleman & Five Eléments programmé en formule club, à des tarifs très attractifs pour les plus jeunes.

Le centre culturel Dom Omladine a également été le théâtre de rencontres avec le public, avec des conférences de presse pour la promotion des artistes et de leurs derniers disques. On retiendra surtout la présentation, en avant-première pour la presse, du livre que vient de publier Vojisla Pantic, directeur artistique du festival, chez Dallas Records. L’ancien critique de jazz, producteur télé et radio, brosse le portrait, dans Jazz Face, d’une quarantaine d’artistes avec des entretiens, parfois inédits, réalisés dans différents festivals d’Europe dont celui de Jazz à Vienne, où il a interviewé Elvin Jones, Charles Lloyd, Dave Holland, Joe Lovano, Dianne Reeves, Danilo Perez, Bojan Zulfikaparsic, Jason Moran, Esperanza Spalding, et le trio Medeski, Martin and Wood. Son ouvrage, un pavé de plus de 500 pages, publié à 1000 exemplaires, est illustré par les plus grands noms de la photographie de jazz, dont Tim Dickeson qui en signe la couverture, et auteur du reportage photo de mon article. J’espère qu’une traduction en anglais ou en français pourra nous permettre de le découvrir prochainement.

Retour sur 35 ans du festival de jazz de Belgrade

De 1971 à 1990, le festival de jazz de Belgrade, l’un des plus anciens festivals de jazz d’Europe, n’a cessé de renforcer les liens qui unissaient l’ex-Yougoslavie avec le reste de l’Europe et du monde. Après une pause de 15 ans, imposée par une guerre et une situation économique difficile, le festival a pris un nouveau départ en 2005. Depuis, il s’est forgé une nouvelle identité en promouvant de jeunes talents des pays d’Europe et en invitant des artistes internationaux de tous les continents. Chaque année, il conquit ainsi un public de plus en plus nombreux et connaît un succès grandissant. Parallèlement, de nouveaux musiciens de jazz se sont formés dans le pays et l’envie du public n’a cessé de croître. Depuis, le Belgrade Jazz Festival (BJF) s’est imposé dans le paysage des grands festivals incontournables.

Lyon et Belgrade, de plus en plus proches

Depuis peu, les aéroports de Lyon et de Belgrade sont reliés par la compagnie low-cost Wizzair, qui propose deux trajets directs par semaine pour des prix très compétitifs (deux heures de vol, compter environ 100 euros). Une belle opportunité de découvrir le festival de Belgrade et la capitale de la Serbie, riche de nombreux atouts sur le plan touristique : gastronomie, événements culturels, musées, patrimoine, shopping, vie nocturne…

Le foisonnement culturel de Belgrade s’inscrit au cœur d’une dynamique portée par le gouvernement autonome de la métropole. Cette dynamique se traduit par des projets importants : modernisation de l’aéroport Nikola-Tesla de Belgrade dont la concession a récemment été accordée au groupe français Vinci, renouvellement du parc de véhicules de transports en commun, construction d’un métro à l’horizon 2020, aménagements urbains…

Au cours d’une réception organisée à l’Hôtel de Ville, Goran Vesic, Maire adjoint de Belgrade, a affirmé la volonté politique de l’exécutif pour accompagner le développement touristique de la capitale des Balkans devant une délégation de journalistes. Un livre publié par Aleksandar Diklic, replonge dans l’histoire de la ville éternelle, l’une des plus anciennes cités d’Europe depuis plus de 7 000 ans. Passionnant.
Dovidjenja Belgrade ! Et à l’année prochaine…

Reportage de Pierre Budimir. Photos de Tim Dickeson.

Pic Tim Dickeson 23-10-2019

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