Jazz In Lyon

Hugh Coltman : la rencontre heureuse, réussie, brillante, de la chanson pop et du jazz originel de la Nouvelle Orléans

Mardi 16 octobre au Radiant (Caluire)se déroulait le concert de Hugh Coltman avec un sextet particulièrement classieux dans un répertoire constitué d’une grande majorité des titres de son dernier CD « Who’s happy » sorti en mars dernier.

Pour ce CD, Hugh Coltman souhaitait revenir à un album de compositions. Tout est parti du titre « Sinners » (qui n’est pas sans rappeler l’influence de Tom Waits et du film « Down by Law ».) Ambiance de fanfare farfelue et du souhait de faire sonner dans le style de la New Orléans. Pour cela la rencontre avec le guitariste français Freddy Koella, qui a vécu de nombreuses années aux USA, notamment à LNO (La Nouvelle Orléans) et qui accompagné Willy de Ville, Bob Dylan, Zachary Richard, Johnny Haliday, Cabrel, Mitchell, Higelin, fut déterminante. Co producteur , ses conseils vont influencer la couleur et l’esthétisme du CD en évitant l’écueil de «tartiner de cuivres et réaliser une carte postale ».

Enregistré en studio à LNO et avec un certain nombre de musiciens locaux, les arrangements sont signés par le sousaphone américain Matt Perrine et le pianiste français Gaël Rakotondrabé.

Le public était au rendez-vous pour ce chanteur anglais issu de la pop et du blues, qui a récolté après un travail patient, pertinent et original, la reconnaissance du monde du jazz. On a ainsi pu le voir ces dernières années sur la scène du festival de Vienne en 2013 avec le pianiste Éric Legnini, l’apprécier en 2105 dans son hommage à Nat King Cole (Shadows) et le remarquer lorsqu’il a reçu le prix  « Voix de l’année » lors des Victoires du Jazz 2017.

Une voix chaleureuse, une écriture d’observance

Possédant un timbre chaleureux, il interprète avec une grande finesse ses textes fortement imprégnés d’observations poétiques sur des thèmes parlant de l’adolescence (Hand me down – hilarant !), de son père (All Slips Away – magnifique chanson sur la perte de re-pères, dont l’ambiance s’apparente à « Mama Rosa » de Brian Blade), de son fils (Little Big Man, berceuse qui clôture son tour de chant), comme de la réalité et le chaos du monde actuel.

Il intègre également dans une grande cohérence musicale, quelques autres titres empruntés au répertoire jazz.

Mais la grande et rare qualité qui émane de Hugh Coltman, est sa capacité à donner envie, ne jamais forcer – ni les portes du show business (dixit un de ces musiciens), ni le public « la meilleur façon de te faire entendre est de souffler », ni ses musiciens, ni sa musique. Installer une complicité, dans un rapport simple et en attention.

Parlons groupe

La notion de groupe est centrale pour Hugh Coltman. Il ne s’est jamais départi de cet état d’esprit, depuis ses débuts à l’âge de 19 ans, dans son petit village du Sud-Est de l’Angleterre jusqu’à aujourd’hui.

Durant l’interview qu’il m’a accordé, il me précise qu’il conçoit le show, non pas comme l’artiste seul et des accompagnateurs derrière mais comme un groupe dont chacun des membres doit être impliqué à niveau égal « As the 3 musqueters !, tous ensemble sur la ligne de départ avant le concert ».)

Et cela se vérifie et se ressent. Hugh Coltman leader charismatique et généreux, a su s’entourer d’excellents musiciens de jazz qui improvisent, écoutent, épaulent, nuancent,  engagent leur énergie sur un répertoire singulier, avec pour résultat d’emporter le public et d’aboutir à une soirée magique parce qu’unique.

Hugh Coltman, réussit parfaitement dans le mix de ses compositions, des arrangements, des musiciens …

 Parlons musique et musiciens

Sextet constitué d’une batterie, sousaphone, guitare, piano droit et d ‘une section de cuivres (trombone, trompette, sax/clarinette), les interventions/improvisations viennent illustrer, étirer les différentes ambiances des chansons. Hugh Coltman nous fait ainsi voyager dans les rues de LNO, sans les Pie-Hat mais dans la joie de ses déambulations musicales. Une sorte de tournée des bars à musique un soir de fête colorée.

Subtils propos de la batterie, immense légèreté du sousaphone, discours bluesy de la guitare, piano interventions vivifiantes des cuivres, ce ne fut que surprises, énergies et images d’ailleurs.

Quand aux musiciens, le batteur Raphael Chassin : magique et subtil dans sa frappe, dans son écoute et dans le soutien qu’il apporte à l’ensemble. C’est incontestablement un des piliers de cette production. Didier Hauvet, remarquable de continuité, de légèreté et de justesse – mon dieu ! qui a soufflé dans un tel engin sait ce qui faut de solidité pour émettre le moindre son !. Eric Sauvia qui remplaçait Freddy Koella à la guitare, au jeu très bluesy mais avec de beaux-coups d’originalités, sans bavardage ni plans mille fois ressassés – enrichi la couleur du groupe. Dans la section des cuivres, aux multiples interventions vivifiantes : Jerry Edwards au trombone ténor, rieur, toujours partant pour alimenter le discours musical et faisant claquer les notes rappellant ainsi le grand Gary Valente. Jerry Helhedry à la trompette, racé, précis, enjoleur, tout à fait dans l’esprit de LNO.  Le français Frederic Couder, qui alternant clarinette et saxophone basse, passe des simples contrechants aux improvisations les plus débridés dans une inventivité jamais démentie. Enfin, le pianiste Gaël Rakotondrabé, arrangeur d’une partie des morceaux, venu surement d’une autre planète, parlant le piano des années 30 comme le Bill Evans, un vocabulaire absolument déroutant, complice de tous et toujours au service du propos.

Ce concert ne fut que surprises, énergies et images d’ailleurs.

D’une durée d’une heure et demie, il s’est terminé avec un public dansant devant la scène et dans les travées. Un concert résolument réussi.

Nous étions tous à LNO, dans un défilé de Brass Band.

Chapeaux les artistes, Pie-hat Hugh.

Souriez, nous sommes mardi.

PS : 5 artistes clefs de Hugh Coltman : David Bowie, Allen Toussaint, Léonard Cohen, Steve Wonder, Tom Waits

 

 

 

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