Jazz In Lyon

La beauté Bud Powell

La beauté Bud Powell
Jean-Baptiste Fichet
Éditions Bartillat, 17.00 €

« Bud, drôle et gamin, se montre également méchant, querelleur, roublard, puéril, malade, fichu, manqué. Au bord du gouffre, Parker continue d’enchanter. Powell, lui, pue la déréliction. […] Bud Powell est un clochard, un déchet, une créature contrefaite : C’est le Caliban du jazz. »
Shakespearien déchet manqué donc, Caliban monstrueux et vil.
Le portrait n’est guère attrayant et pourtant…

Tous les amateurs de jazz connaissent le nom de Bud Powell (1924-1966) mais combien l’écoutent-ils encore ? Combien savent qui était ce génie fou ?

Qu’aurait été la vie de Bud Powell si des policiers ne lui avaient pas fracassé la tête ce 21 janvier 1945 ?
Bud, à 15 ans élève de Monk qui composa pour lui ; Bud qui joue et enregistre avec les plus grands : Parker, Davis, Russell, Roach, Brown, Blakey, Clarke, chez Norman Granz, Blue Note et Verve. Bud indissociable du bop. Pianiste virtuose entre tous. Figure de toutes les folies et tous les maux.

C’est en France qu’il vient vivre ses dernières années avant de rentrer et mourir dans la salle commune d’un hôpital de Harlem.
(Re-)voyez-le dans Anthropology avec le tout juste adolescent NHOP qui tricote déjà manche et cordes avec application.
Il y a tant d’innocence, de fraicheur et de beauté dans les mains de Bud Powell !

À part le très épuisé La danse des infidèles de son ami Francis Paudras – dont il est longuement question dans le livre de Fichet – rien n’avait jamais été écrit en France sur ce pianiste pourtant génial.

Le livre de Jean-Baptiste Fichet est à l’image de sa couverture.

Bud au piano. Là et pas là.

La jambe droite du pantalon est retroussée, froissée jusqu’à genou. Une paume remontant son tibia toucherait une peau rêche, maltraitée, pas traitée du tout sans doute. La peau, le corps n’ont bien sûr aucune importance pour lui. La veste est trop longue pour ses bras. Ça tirebouchonne. Un prêt ? Un don ? Un vol ? Qui sait. Le polo blanc roule sur son ventre.

L’habit et la posture ravivent ce merveilleux souvenir de 2009, quand Jazz à Vienne programmait encore du jazz : tout petit, Hank Jones entre timidement sur scène, modestie qui jure avec son statut de géant, costume impeccable, modestes et si beaux boutons de manchettes au bout d’une chemise blanche parfaite, cravate assortie sous le badge qu’il est le seul à porter, encore viscéralement surpris peut-être d’être noir et de ne pas devoir justifier de son identité. Il joue deux heures durant comme le dieu vivant qu’il est, heureux et droit comme un élève.

Bud au clavier, là, pas là.

La tête penche du côté droit. Celui des souvenirs ? Lesquels ? Paupières mi-closes, regard absent ou triste. Impossible de deviner. Peut-être même est-il heureux.
Bouche fermée, calme ; il pourrait dormir. Pas de sourire, pas de colère, sans rides – ô, mourir jeune ! Juste ces drôles de traces sur le front. Et puis surtout, et puis d’abord, qui sautent aux yeux : ses mains.

Floues à force de vitesse. Indépendantes, dissociées de la sérénité ou de l’absence apparentes du reste du corps. Ces mains floues, les doigts qui courent et rebiquent, libres, vivants, tellement vivants !

Le livre de Jean-Baptiste Fichet est à l’image de sa couverture.
Ni biographie ni hagiographie, c’est une balade musicale et poétique dans l’histoire et l’univers flou de ce fou fabuleux.
Une balade qui ouvre l’appétit et donne une furieuse envie de (re)découvrir la musique de Bud Powell.

Ce visage sur la couverture, si paisible. « Une vie entière soumise à la catastrophe ».

La librairie Musicalame

 

Mingus Erectus

Les fables de Charles
Noël Balen
Editions Castor Astral
15 € (CD inédit inclus)

Tous les livres, sur toutes les musiques et toutes les danses – Disquaire indépendant
16 rue Pizay – 69001 Lyon Tél : 04 78 29 01 34
Ouverture le lundi de 14 à 19h et du mardi au samedi, de 10h à 19h
http://musicalame.over-blog.fr


Prochaine rencontre à Musicalame :

Samedi 10 juin à 15h00 avec Bernard Fournier , autour d’une monumentale Histoire du quatuor à cordes en trois volumes Chez Fayard, pour la présentation de son dernier ouvrage Le génie de Beethoven (Fayard).

 

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