Jazz In Lyon

Quand un vol de saxophone devient une affaire d’ « Etat »

Pour étonnant qu’il soit, un petit communiqué émanant du Préfet de Région, Jean-François Carrenco pour aider un saxophoniste à retrouver un instrument qui lui a été dérobé, révèle au grand jour des vols de bagages récurrents qui sévissent dans les rames TGV à Lyon, à Paris ou ailleurs, le plus souvent au moment fatidique du départ et de la fermeture des portes.

Du jamais vu. Jean-François Carenco, préfet de Région a fait parvenir il y a quelques jours à l’ensemble des médias un étonnant communiqué de presse. Pour tout dire, un communiqué assez éloigné des sujets habituellement traités en préfecture du Rhône comme en préfecture de Région.

Voici le communiqué in extenso :

« Le musicien Jacques Schwarz-Bart s’est fait dérober son saxophone dans le TGV Paris-Lyon, le jeudi 16 janvier dernier. Ce saxophone de 1954 couleur bronze est un Selmer Mark VI Ténor – numéro 57 320. L’instrument est à rapporter à l’Opéra, place de la Comédie (04 69 85 54 54) où le musicien a donné 4 concerts du 15 au 18 janvier. Serge Dorny, le directeur de l’Opéra de Lyon, offre une récompense de 300 euros à celui qui trouvera et qui rapportera l’instrument. »

De fait, ce jeudi là, Jacques Schwart-Bart, saxophoniste de la scène française, new-yorkaise et antillaise, démarrait à Lyon sa résidence. Pour tout musicien, ces résidences sont uniques.

Durant trois jours, à raison de deux sets à l’heure du déjeuner et de trois concerts du jeudi au samedi, le musicien invité par l’Opéra se voit offrir une somptueuse et confortable occasion de développer sa musique, d’en élargir le cadre ou l’inspiration, d’inviter des musiciens inconnus ou familiers et, souvent, de poser les bases d’albums à venir. A la différence des sets joués en club ou des concerts donnés dans les festivals, ces résidences permettent donc au musicien d’exprimer de multiples facettes de son talent.

Ainsi Jacques Schwart-Bart a profité de la résidence pour s’exprimer en solo, en duo, en trio et enfin, en quintet.

 Un « sax » culotté comme une vieille pipe

Tout était donc prévu au mieux. Sauf que, patatras, le musicien s’est donc fait voler un instrument. « Son » instrument. Un sax culotté comme une vieille pipe, façonné par des heures et des heures de musique, et qui accompagne le saxophoniste depuis des années.

Car voilà : les TGV étant le plus souvent en accès libre, et les voyageurs étant priés de déposer leurs bagages à l’entrée des rames, sur des « racks » à bagages accessibles à tous, une véritable industrie de vol de bagages existe aujourd’hui selon un scénario qui se répète à chaque fois. Au moment du départ, quelques secondes avant la fermeture des portes, ces voleurs s’emparent d’une valise ou d’un sac et débarquent du TGV avec leur larcin.

Comme il n’y a aucune surveillance ni sur les quais ni dans les rames, il est rare que ces voleurs soient rattrapés. Souvent, d’ailleurs, la victime ne se rend compte du vol qu’à l’arrivée, à Lyon-Part-Dieu, pour la circonstance.

Estimant que la surveillance des bagages n’est pas de sa responsabilité, la SNCF se contente de rappeler les voyageurs à la prudence en diffusant des messages assez peu percutants, à bord des rames TGV. De son côté, le ministère de l’Intérieur ne tient pas de statistiques précises de ce genre d’incidents. D’ailleurs, pour un voyageur qui porte plainte, combien qui préfèrent oublier l’incident en s’estimant heureux de ne pas avoir perdu un ordinateur ou un appareil de prix.

Avec un peu de chance, on retrouvera le saxophone de Jacques Schwart-Bart. En revanche, selon diverses sources, il est très rare de retrouver les valises ou les sacs volés, souvent abandonnés aux alentours des gares par les voleurs après qu’ils en aient prélevé ce qui leur semblait avoir quelque valeur.

En attendant, le musicien s’est fait prêter un saxophone ténor tout neuf par une boutique lyonnaise réputée, avec lequel il a donc effectué sa résidence. Jacques Schwart-Bart n’était d’ailleurs pas au bout de ses peines : au sortir d’un des concerts, l’instrument, mal rangé dans sa housse, est tombé à terre. Il a donc fallu le décabosser le lendemain. Mais tout s’est relativement bien fini puisque le musicien est reparti de Lyon avec son nouvel instrument sous le bras.

Quant au message préfectoral, il semble aussi s’expliquer par le fait que Jean-François Carenco, qui a notamment été préfet de Guadeloupe en 1999-2002, et qui était d’ailleurs présent à l’amphi de l’Opéra un des trois soirs, a connu par le passé le musicien, lequel a lui-même été plusieurs années un très sérieux attaché parlementaire avant d’opter pour la musique.

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